Hilario Isola / Sole Spento

par Cairn Centre Art dans Non classé

Hilario Isola, né en 1976, vit et travaille au Piémont (Italie). Artiste et exploitant agricole, sa double activité l’amène à repenser avec un humour décalé notre lien à la ruralité contemporaine. Sa résidence au Cairn en 2023 lui fait découvrir des paysages qui lui étaient inconnus : les champs de panneaux solaires sur le plateau des Mées. Inspiré par ce cadre évoquant la science-fiction, où cohabitent « rentabilité du ciel » et agropastoralisme vidéo-surveillé, Isola propose dans son exposition de remonter aux sources de notre fascination pour l’électricité.

À l’instar du champ en culture devenu industrie, la salle d’exposition du Cairn se transforme en machine industrielle, le livre d’artiste un manuel d’instruction. Connectée à une sculpture photovoltaïque située en extérieur, les œuvres à l’intérieur du bâtiment, tributaires des conditions météo, dévoilent leur moindre mécanisme au spectateur. Câbles, alternateurs, transformateurs, jusqu’à la quantité d’énergie enregistrée : tout est donné à voir, à comprendre – à manipuler.

Au fond de la salle, un étrange tableau de bord permet au visiteur d’actionner des boutons. Des spots illuminent ou font disparaître sur commande, dans l’obscurité, des bustes miniatures hybrides, rappelant formellement des lignes électriques, et constituant une étonnante galerie de portraits. Du même blanc laiteux que la porcelaine des isolateurs d’antan, des femmes et des hommes, illustres philosophes ou scientifiques, sortent de l’ombre, quittent ou réintègrent leur anonymat. Tous.tes ont pensé, parfois redéfini, le rapport complexe de l’humain à la connaissance et à la maîtrise de l’énergie.

Leurs découvertes, leur travail sur plusieurs siècles ont abouti aux conditions technologiques qui rendent possible leur précaire mise en lumière dans le récit scénographique ironique proposé par Hilario Isola. Éclairés ou éteints, ces illustres soleils de la pensée ou de la recherche scientifique sont enchaînés. Leurs câbles de cuivre – joug subtil presque sublimé en orfèvrerie – auxquels sont assujetties ces figures, suggèrent les limites matérielles et mentales des infrastructures émancipatrices imaginées par nos sociétés. L’extraction de métal dont les coûts, économique autant qu’écologique, augmentent inexorablement ; la production d’énergie destinés à nourrir une consommation exponentielle, ne sont que la queue de comète et les indicateurs d’une évolution plus large, et potentiellement dangereuse, des rapports entre l’humain et son environnement.

L’exposition d’Hilario Isola est à la fois ludique, critique et ouverte à tous. Théâtre d’ombres, caverne de Platon, elle dépeint un appétit humain insatiable pour l’énergie et ses visages oubliés. Elle suggère une fine frontière, une parenté d’actes et de pensée, dont nous sommes à la fois les produits et les protagonistes avisés.

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